La Haie champêtre

 Contre la banalisation des paysages

 

Les haies champêtres modulent l'espace, délimitent des zones plus ou moins vastes, orientent le champ de vision. Elles mettent en relief la géographie locale en suivant les lignes de crêtes des coteaux, les méandres des cours d'eau (ripisylves). Elles relient un bâtiment à son environnement, l'intègre au paysage. Une haie composée d'essences locales diversifiées mettra en valeur la spécificité du terroir et changera d'aspect au rythme des saisons.

 

Aujourd’hui encore, de nombreux prescripteurs du paysagent proposent de simples haies ornementales composées entre autre de thuyas, laurier palme, photinia ou eleagnus pour composer les haies.

Ces haies monospécifiques participent à une forme de banalisation du paysage urbain comme rurale. Bien qu’appréciées pour leur croissance rapide ou leur aspect opacifiant (mur végétal), elles sont très pauvres en biodiversité du fait du faible nombre de variétés utilisées et de l’aspect allogène des espèces qui les composent.

La prudence s’impose d’autant plus que certaines de ces plantes peuvent présenter un caractère invasif (arbre à papillons, ailanthe, renouée du Japon…). Ces plantent peuvent gravement déstabiliser le milieu dans lequel elles s’implantent en remplaçant les espèces spontanée, indispensables au développement de nombres espèces animales qui leurs sont intimement liées.

 

Les haies champêtres, composées d’essences locales et adaptées au milieu dans lesquelles elles sont implantées, sont un refuge pour la faune et la flore. Elles protègent les cultures et  les habitations des effets néfastes du vent et du ruissèlement des eaux de la pluie.

De plus, dans le contexte actuel du changement climatique, développer et préserver une végétation localement autour des logements est un bon moyen des réguler les températures extérieures. La présence d’arbres caducs permet de réduire la température ambiante de 4 à 8 °C en période estivale.   

Les intérêts des haies champêtres

  

Les haies champêtres représentent une alternative bienfaitrice en contribuant à maintenir la biodiversité et renforcer le lien avec notre paysage. Pour être complètement équilibré, un territoire doit posséder un maillage de haies s'appuyant sur les éléments écologiques réservoirs existant (bois existant, mares, arbres morts...) pour assurer les déplacements de la faune et de la flore ; on parle  alors de "corridors écologiques". Il est préférable d'orienter les projets de plantation pour raccorder les haies à un boisement existant aux abords des propriétés.

La haie champêtre permet tout à la fois de produire de la biomasse, d'amortir le changement climatique par stockage de carbone, de protéger les cultures des extrêmes climatiques, du vent, de protéger les sols de l'érosion et de réduire les impacts environnementaux liés à la monoculture (appauvrissement des sols, développement des  parasites et maladies). En plus des nombreux services écologiques rendus, les haies champêtres, si elles sont bien entretenues, pourront être valorisées par la productions de bois d'oeuvre, de bois énergie ou encore comme Bois Raméal Fragmenté (BRF).

Pour assurer un rôle anti-érosif, les haies doivent être installées a des endroits clés, c'est-à-dire le long des fossés et des ruisseaux, de préférence en amont, sur des talus et perpendiculairement au sens de la pente. 

La haie, rempart contre les dérives

 

La plantation de haies champêtres (ou ripisylves à proximité immédiate des cors d'eau) répond à plusieurs thématiques : protection des berges contre l'érosion, maintien de la qualité des eaux superficielles et souterraines, amélioration de la porosité des sols, rôle de phyto-épuration, rempart physique contre les dérives des traitements (l'Arrêté Ministériel de 12 septembre 2006 rappelle que des moyens appropriés doivent être mis en oeuvre pour éviter tout entraînement des produits phytopharmaceutiques en dehors des parcelles ou des zones traitées).

 

L'Arrêté Préfectoral du 2 avril 2016 précise quant à lui qu'une haie jointive d'une hauteur minimale de 3 mètres peut être implantée entre les parcelles à traiter et les lieux pouvant accueillir du public sensible (maison de retraite, crèche, école,...)

 

Mais il peut sembler nécessaire d'élargir ces recommandations aux maisons individuelles ou lotissements...

  • En zone agricole, les emplacements les pertinents pour la mise en place de haies champêtres sont les bordures de parcelles, les limites de propriétés et les bords de fossés, surtout si les domaines voisins ont des pratiques culturales différentes.

Elles peuvent également servir  de zones tampons entre les parties cultivées et les habitations ou bâtiments publics.

Tempérer les écarts du climat 

 

Une haie haute de feuillus protège du vent sur une distance de 10 à 15 fois sa hauteur : elle est un frein contre l'érosion éolienne, elle tempère les écarts de température et limite les dégâts  sur les végétaux (en diminuant la vitesse et l’agitation de l'air, la fermeture des stomates est retardée et la perte d'eau par la plante diminuée). On réduit ainsi l'évapotranspiration des cultures.

Sur certaines parcelles et aux abords d'une haie, certains viticulteurs ont rapporté une limitation des impacts des gelées tardives. 

 

Développer la végétation à proximité des logements (plantes grimpantes, haies, arbres isolés, bosquets, massifs de vivaces...) est un bon moyen de réguler les températures extérieures.  

 

Un mur (artificiel ou végétal "type thuya") ne constitue pas un bon brise vent : le vent escalade, se comprime et accélère au passage du mur puis redescend derrière lui en tourbillonnant sur une distance de deux fois sa hauteur. Ces ouvrages sont contre productifs.

Exemple des auxiliaires en viticulture : équilibrer les milieux cultivés avec les espaces naturels

 

En zone de monoculture, les haies champêtres représentent des éléments de diversification floristique et faunistique.

Les haies champêtres constituent une zone de refuge, de nourrissage et de reproduction pour un grand nombre d'espèces (entomofaune, avifaune, herpétofaune, mammifères...). Le choix des essences est primordial ! Des floraisons étalées dans le temps, une fructification diversifiée (fruits charnus, secs, petits, gros...),  des feuillages caducs, persistants polymorphes (feuillages rêches, rugueux au touché) assurent la garantie d'héberger un cortège faunistique amélioré et fonctionnel. Certaines des ces espèces peuvent avoir une utilité particulière en viticulture. Plusieurs travaux en cours du Bureau d'Etudes Vitinov cherchent à démontrer les interactions entre vignoble, haie et arthropodes . Au sein des agroécosystèmes, les populations d'insectes ou acariens phytophages peuvent être limités par un cortège  d'ennemies naturels. Ces derniers peuvent être des parasitoïdes ou des prédateurs d’œufs, de larves, des nymphes ou d'adultes. Ces relations constituent des relations trophiques très diversifiés et souvent complexes. LA méthode de lutte qui repose sur le principe de l'amélioration des conditions favorables aux ennemies naturels des ravageurs est appelée "lutte biologique par conservation". 

 

Campoplex capitator
Campoplex capitator

 

Deux exemples : 

  • Anagrus  atomus est une petite guêpe parasitoïde oophage majeure de la cicadelle verte (empoasca vitis).
  • Compoplex capitator (photo ci contre), autre hyménoptère, a pour cible l'eudémis (Lobesia botrana).

Au cours de leur cycle, les haies peuvent constituer une zone d'hibernation ou de complément alimentaire (nectar floral) favorable au maintien et au développement de ces espèces sur les parcelles. D'autres prédateurs généralistes appartenant à différents groupes (carabes, araignées, opilions, staphylins, chrysopes...) peuvent avoir ces mêmes besoins.

Lorsque c'est possible, le maintien d'un enherbement naturel permanent associé à une gestion différenciée vient renforcer la biodiversité (plantes, pollinisateurs, vers de terre...).

Les haies sont aussi un lieu de prédilection pour les turdidés (grives, merles...) et les hérissons. Ils peuvent permettre de réguler les populations d'escargots. 

L'idée première est d'instaurer un équilibre entre milieux cultivés et espaces naturels.

 

Par ailleurs, pour être complètement efficient, un territoire doit posséder un maillage de haies s'appuyant sur les éléments écologiques réservoirs existants (bois, mares, arbres morts...) pour assurer les déplacements de la faune et de la flore ; on parle alors de "corridors écologiques".

L'entretien des haies champêtres

Une haie plantée, ou issue de régénération naturelle peut demander, selon les attentes, quelques interventions d’entretien. Ces dernières ont vocation à permettre une compatibilité entre l’usager et la haie. Ces interventions ne se résument pas à de simples tailles latérales. Les techniques d’entretien des haies ne sont pas à négliger. Une opération inappropriée pourra favoriser le développement de maladies, fragiliser la haie, occasionner des chutes de branches, … Il est donc primordial d’utiliser un matériel adapté à l’entretien réalisé.

Quand Tailler ?

Les haies constituant d’importants réservoirs de biodiversité, il est important d’adapter leur entretien pour limiter les perturbations. C’est pourquoi la règlementation interdit les tailles de haies entre le 15 mars et le 31 juillet (période importante de nidification des oiseaux). Cette réglementation est applicable aux agriculteurs. Elle est par ailleurs fortement recommandée par l’Office Français de la Biodiversité.

Quels principes dois-je respecter ?

  • Ne pas attaquer le cœur de la haie. Pour fonctionner correctement, elle doit avoir une épaisseur minimale d’1,5 mètres.
  • Idéalement, il est préférable d’éviter les coupes sommitales pour permettre le maintien de différentes strates et pour permettre à l’ensemble des essences de s’épanouir.
  • Utiliser un outil de coupe adapté afin d’éviter d’éclater certaines sections.
  • Maintenir une bande enherbée d’1 mètre de large de part et d’autre de la haie. Ces bandes abritent une biodiversité importante.

2/ L’élagage

L’élagage est une intervention qui peut être pratiquée sur certains sujets pour lesquels on souhaite favoriser la croissance en hauteur. Il peut également servir à défourcher un jeune sujet afin d’obtenir un arbre élancé, sur une tige.

Il consiste à supprimer les branches non désirées par une coupe franche, sans entamer le bourrelet cicatriciel. Une coupe d’élagage correctement réalisée permettra au sujet de recréer une écorce pour protéger la cicatrice créée par la coupe. En cas de coupe du bourrelet, la cicatrice ne parviendra pas à se refermer. Celle-ci fragiliserait l’arbre.

4/ La conduite en « trogne » ou « arbre têtard »

Pratique ancestrale cet usage permet de répondre à des besoins humains (fourniture de bois de chauffage, de piquets, de petit bois d’œuvre, de produits de vannerie, complément de fourrage, …).  Cet itinéraire consiste à couper le tronc à une hauteur souhaitée afin de permettre, comme pour le recépage, la formation de rejets. Ces rejets seront récoltés périodiquement pour les usages précédemment cités, en respectant, comme pour l’élagage, les règles de coupe. Dans la majorité des cas, la coupe devra être réalisée en hiver, sauf pour un usage de complément de fourrage. Selon la taille des sections, les outils diffèrent (sécateur de force, scie, tronçonneuse).

5/ La taille sanitaire

Cette taille permet de redonner une santé à un sujet malade à condition d’intervenir à temps. Il est primordial d’intervenir avec des outils désinfectés avant et après chaque coupe. La partie coupée devra prendre une grande marge vis-à-vis de la zone infectée. La règle de coupe est la même que pour l’élagage, le bourrelet cicatriciel ne doit pas être entamé.

1/ Les tailles latérales

Elles consistent à contenir l’accroissement latéral de la haie et permet d’éviter qu’elle se dégarnisse au pied. Cette opération peut être répétée tous les 1 à 3 ans selon les contraintes (ex : bord de voirie). 

Les outils : 

Le rotor à fléaux : Initialement conçu pour l’entretien des accotements, cet outil est à proscrire pour l’entretien des haies. Il n’est pas adapté pour la coupe de sections ligneuses. Mal employé, il déchiquette le bois. En plus d’être inesthétique, ce travail est propice au développement des maladies.

Le rotor à marteau : Cet outil, bien que non adapté à cette utilisation, pourra faire un travail un peu plus fin à la condition que les marteaux soient affutés. Il faudra éviter de couper des sections trop importantes (> à 4cm).

 

Lamiers :

Le lamier à couteaux : Cet outil réalise un travail propre s’il est utilisé régulièrement. Il ne permettra pas de couper de trop grosses sections (> à 4cm). Bien utilisé, cet outil est efficace puisqu’un seul passage suffit.

Le lamier à disques : Cet outil permet de couper des sections plus importantes. Il devient donc intéressant puisqu’il permet d’effectuer des passages moins fréquents (tous les 4 à 5 ans). 

3/ Le recépage

Cette technique consiste à couper l’arbre à proximité du collet. Cette opération peut s’avérer très utile en taille de formation de la haie, en cas de déséquilibre de certains sujets, ou en cas de mauvais état de santé. Elle est également pratiquée pour la récolte des bois. Le sujet ainsi coupé fabriquera de nouvelles pousses (baliveaux) à partir de la souche. 

Selon les choix réalisés, la conduite pourra permettre d’obtenir un arbre sur une tige ou une cépée (maintien de plusieurs baliveaux). Cette intervention permet d’obtenir de nouvelles pousses saines et dynamiques. Certaines essences se prêtent particulièrement à cette pratique. Les essences feuillues sont plus adaptées au recépage, et tout particulièrement : robiniers, peupliers, saules, érables, châtaigniers, charmes, aulnes, tilleuls, ormes noisetier.

Afin de réussir un recépage, il est indispensable que l’arbre soit vigoureux pour bien rejeter de souche. Il est également possible de recéper un jeune plant (= taille de formation), deux à trois ans après sa plantation.

6/ Le plessage

Le plessage est une technique de tressage traditionnelle du vivant. Bien que la méthode soit complexe, cette technique permettait de créer des clôtures vivantes permettant de contenir le bétail. Le plessage consiste à entailler le plus souvent à la serpe la base des arbres et arbustes d’une haie tout en conservant une charnière qui va permettre à la sève de continuer à circuler jusqu’à la cime, puis de venir coucher les brins à l’horizontale de part et d’autre de piquets installés à intervalle régulier sur l’alignement. L’effet obtenu est esthétique et pratique.